Association Nationale des Enseignants d'Equitation - ANEE


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SECURITE ET CONCOURS COMPLET

Ce texte a été écrit par Florent Weill – http://www.magicfanette.com/telechargements.htm

Avant toute chose je tiens à signaler que mon propos n’a pour objet que l’amélioration possible des conditions de sécurité d’un CCE et n’a nullement pour but de remettre en cause les organisateurs ayant été confrontés aux accidents de ces dernières semaines et/ou l’expérience et le sérieux des personnes impliquées dans ces tragédies y compris les victimes elles-mêmes, vers qui va mon plus profond respect.

Risques acceptables

Depuis le début de cette saison frappée par les décès accidentels de deux cavalières et d’un cheval de haut niveau, beaucoup de choses ont été dites, entendues, discutées, débattues. Avant toute réflexion, je pense que la commission créée à l’initiative et par la FFE, devrait s’attacher à définir quel est le niveau de risque acceptable en fonction du niveau des épreuves. Evidemment tout décès, à fortiori de cavalier, est inacceptable, mais la répercussion émotionnelle ne sera pas la même entre le décès d’un cavalier professionnel sur un CCI**** et le décès d’un adolescent sur une épreuve régionale.

Une fois ce niveau de risque acceptable défini, il faudra trouver les moyens de l’atteindre. Plusieurs axes de progression existent en parallèle, parmi lesquels on peut détacher plusieurs aspects :

Un aspect humain:
o Formation des coachs, cavaliers, chevaux et juges
o Evolution du règlement propre à la discipline
o Evolution des mentalités
o Qualification des couples pour chaque niveau d’épreuve
o Limites d’âge
o Organisation des secours
o Création d’un Bureau Enquête Accidents

- Un aspect matériel :
o Etude et réalisation des obstacles fixes
o Protections du cavalier et du cheval

Cette liste est bien sûr non exhaustive.

Je passerais volontairement sur certains sujets, n’ayant ni les qualifications, ni l’expérience requise pour me permettre de donner mon avis, notamment en ce qui concerne la formation des différents acteurs de l’équitation ou l’évolution du règlement propre à la discipline.

ASPECT HUMAIN

EVOLUTION DES MENTALITES

Le concours complet d’équitation conquiert chaque année un peu plus de place dans le cœur des cavaliers amateurs. Plusieurs raisons à cela, bons résultats des équipes de France, mentalité différente du saut d’obstacle, discipline plus proche de la nature, etc… Le nombre d’engagement suivant logiquement cette tendance inflationniste, il faut s’attendre à ce que mécaniquement le nombre d’accident augmente, sans pour autant que la discipline soit devenue plus dangereuse.

Une part importante de ces « nouveaux » cavaliers de complet évolue surtout en catégorie amateur, où la notion de risque est très peu présente alors même que c’est sur ce niveau d’épreuves qu’apparaissent les premières vraies difficultés significatives (gués, contre-haut/contrebas, trous, directionnels, etc…). Sans pour autant effrayer ces cavaliers émergeants (et leur entourage), il faudrait développer une certaine prise de conscience. Notamment que le cross n’est pas une épreuve dangereuse mais qu’il faut s’y préparer ainsi que son cheval de manière consciencieuse. Faire prendre conscience que le CCE est une discipline merveilleuse, mais que là plus qu’ailleurs, on ne peut pas s’y lancer sans un minimum de préparation.

De par leur statut, les cavaliers professionnels et les enseignants sont un modèle regardés et enviés par de nombreux cavaliers. Il va falloir là aussi opérer un changement dans les mœurs surtout en ce qui concerne le port du casque. Le nombre important d’enseignants qui montent de préférence en casquette associés aux nombreuses images de cavaliers pro montant sans casque dans les différentes littératures équestres, notamment les magazines, a un effet désastreux sur les cavaliers amateurs et plus encore sur les jeunes. La protection céphalique apparaît comme le signe d’un faible niveau d’équitation, puisque les professionnels ne la porte pas. C’est alors de la protection la plus élémentaire dont vont se passer ces cavaliers à la première occasion.

QUALIFICATION DES COUPLES POUR CHAQUE NIVEAU D’EPREUVE

Il existe trop de lacunes dans le système de qualifications qui permettent à un cavalier débutant de se retrouver en très peu de temps sur des épreuves très (trop) techniques. Les exemples abondent de cavaliers amateurs (qui plus est souvent mineurs) qui passent en l’espace d’une saison de la 4B à la 3A, voir plus, sans résultats réellement probants. A l’ère de l’informatique, il ne doit pas être bien compliqué d’exiger d’un cavalier plusieurs classements (nombre à définir) dans sa catégorie et de le vérifier avant de prétendre à une licence de niveau supérieur.

LIMITES D’AGE

Comme je le disais en préambule, la répercussion émotionnelle, et médiatique, n’est certes pas la même entre le décès d’un cavalier professionnel qui exerce son métier et celui d’un mineur qui pratique sa passion. Si le but n’est pas de remettre en cause le sérieux et la qualité de nombreux jeunes et de leurs coachs, il faut tout de même se poser la question de la présence de cavaliers mineurs sur des niveaux d’épreuves particulièrement techniques. Même si les parents doivent délivrer leur autorisation au moment de prendre une licence de compétition, il reste de la responsabilité de la fédération de veiller à quelques principes de bon sens. Est il normal de voir des cavaliers de quatorze ans courir une épreuve telle qu’une 2B ? Qu’elle sera l’image et la position que pourra adopter la fédération si un accident arrive alors même que ces épreuves sont considérées comme des épreuves professionnelles ? Une limite d’âge (inférieure) ne devrait-elle pas être envisagée en fonction de chaque épreuve ?

ORGANISATION DES SECOURS

Règlement :

Sur ce point le règlement des Concours Complet d’Equitation est particulièrement flou. Plusieurs imprécisions sont à corriger, afin d’éclairer utilement les organisateurs.

« Art. 106.1 Service médical
Préambule
L’organisateur du concours doit prendre contact avec le S.M.U.R. dont relève le concours (8 jours avant le déroulement de celui-ci) et fournir les éléments essentiels d’information (type de concours, public escompté, voies d’accès…).

L’organisateur du concours en relation avec le médecin du concours doit également prendre contact avec le Centre Départemental de Secours pour évaluer les besoins, notamment en secouristes en fonction des caractéristiques de l’épreuve et du public attendu. […] »

Ces deux paragraphes paraissent faire redondance alors qu’ils ont deux buts bien différents.
Le premier oblige l’organisateur à prendre contact avec le S.A.M.U. (et non le S.M.U.R.) qui prendra en charge les secours médicaux et l’évacuation des éventuelles victimes lors du déroulement du concours.
Le deuxième oblige l’organisateur à prendre contact avec le Service Départemental d’Incendie et de Secours (S.D.I.S. et non le Centre Départemental de Secours), plus prosaïquement les sapeurs-pompiers. Le but n’est plus là de traiter l’accident le jour du concours, mais bien de prendre contact avec le service prévention du S.D.I.S. afin de prévoir tout risque lié à la concentration de personnes et d’animaux en un même lieu (Commission de sécurité et réglementation sur la prévention des risques d’incendie et de panique). Cette deuxième partie est bien souvent complètement oubliée ou ignorée des organisateurs.

Succinctement, cela signifie que les deux structures doivent être contactées et non soit l’une, soit l’autre. Je propose donc que soit réécrit ce paragraphe sous une forme proche de la suivante :

« Art. 106.1 Service
Préambule
L’organisateur du concours en relation avec le médecin du concours doit prendre contact avec le S.A.M.U. (Tél. : 15) dont relève le concours (8 jours avant le déroulement de celui-ci) et fournir les éléments essentiels d’information (type de concours, public escompté, voies d’accès…).

L’organisateur du concours doit également prendre contact avec le service prévention du Service Départemental d’Incendie et de Secours (sapeurs-pompiers Tél. : 18) un mois avant le déroulement du concours pour évaluer les besoins, notamment en secouristes en fonction des caractéristiques de l’épreuve et du public attendu. […] »

- Moyens de secours :
Si les situations sont assez disparates, on observe toutefois une tendance des organisateurs à faire appel de plus en plus souvent à des sociétés d’ambulances privées en lieu et place des habituelles associations de secouristes agréées. Motivées par des raisons financières, ces décisions sont toutefois extrêmement regrettables et lourdes de conséquences, car si en apparence rien ne ressemble plus à une ambulance privée qu’un véhicule d’une association de secouristes, dans les faits leurs moyens et leurs formations sont radicalement différents.
Les premiers sont systématiquement au nombre de deux avec pour mission première les transports sanitaires urgents ou non. Leur spécialité est le transport de malades assis ou couchés et exceptionnellement sur demande du S.A.M.U., le transport de blessés. Leur matériel d’immobilisation est souvent succinct, du fait même que la mise en condition de blessés polytraumatisés n’est pas de leur ressort habituel. Leur formation est, elle aussi, axée sur le transport de malades et non sur le relevage et la mise en condition de blessés accidentés.

Les associations de secouristes, si elles ne sont quasiment composées que de bénévoles (d’où leur récurrente image d’Épinal), sont à contrario parfaitement équipées et formées pour tenir un poste de secours dans le cadre d’une manifestation sportive. Evidemment leur présence sur un concours est un peu plus onéreuse que celle d’un ambulancier privé, mais il faut tenir compte qu’elles mettent à disposition au moins quatre personnels formés et équipés de matelas à dépression (coquille), collier cervicaux, attelles de membres, bref, toute la panoplie nécessaire et indispensable à l’immobilisation d’une victime gravement atteinte.

Pour rappel, le « Référentiel National - Compétences de Sécurité Civile - Premiers Secours en Equipe » édité et validé par le Ministère de l’Intérieur, préconise dans sa partie technique le « […] relevage d’une victime à quatre équipier […] si la victime est suspectée d’un traumatisme de la colonne vertébrale […] » et ce afin « De maintenir efficacement l’axe tête-cou-tronc ». Le maintien de cet axe étant en matière de secourisme, une priorité absolue pour toute victime étant impliquée dans un accident laissant suspecter une lésion du rachis.
Sachant que la majorité des accidents grave intervenant en concours complet impliquent une suspicion de lésion du rachis, je ne sais comment un tel relevage pourrait être entrepris avec seulement deux ambulanciers privés, même aidés du médecin du concours. Cela entraîne deux choix, soit un relevage non adapté mettant en jeu des risques de séquelles importantes pour la victime, soit une immobilisation sur place dans l’attente d’un complément en secouriste (bien souvent l’ambulance des sapeurs-pompiers locaux). Mais dans ce dernier cas quel est alors l’intérêt d’avoir une ambulance sur place si l’on doit faire en plus appel aux secours habituels ? Il faudrait donc recadrer le règlement avec une présence minimum de quatre secouristes en plus du médecin, afin de pouvoir prendre en charge correctement les traumatismes dont sont victimes les cavaliers de concours complet.

CREATION D’UN BUREAU ENQUETE ACCIDENTS

A l’image de ce qui se fait dans l’industrie aéronautique, de nombreux secteurs ont mis en place ces dernières années des Bureau Enquête Accidents, réunissant généralement des experts indépendants (professionnels de l‘Hygiène et de la Sécurité, institutionnels, fédéraux, industriels), afin d’étudier toute situation d’accident ou de presque accident. L’origine de la création de ces « bureaux » est la certitude que si un accident a pu arriver dans certaines conditions, il se reproduira forcément dans les mêmes conditions si on n’y change rien.
Etablir un arbre des causes est le but de cette structure et trouver le moyen de remédier à ces causes devrait en être l’objectif. Elle devrait être créée au sein de la fédération en ayant compétence sur toutes les activités sans se limiter à telle ou telle discipline.

ASPECT MATERIEL

ETUDE ET REALISATION DES OBSTACLES

Une démarche devrait être entreprise avec les industriels fournisseurs d’obstacles fixes et de parcours de cross « clés en main » afin de les aider à rechercher des solutions innovantes pour limiter les risques d’accidents, de blocage et de panaches des chevaux.
Dans cette même idée, la généralisation des fanions mobiles type piquets de slalom à rotule devrait être une priorité pour la fédération par le biais des Comités Régionaux d’Equitation qui pourraient dans un premier temps mettre à disposition des organisateurs un pool de fanions mobiles. Icare d’Auzay était un très bon cheval et sa perte pour un fanion de bois est aussi idiote qu’imprévisible, mais imaginons un instant qu’au lieu de rencontrer l’artère fémorale d’un cheval, un fanion dans une situation similaire rencontre l’artère jugulaire d’un cavalier lors d’une chute. Il n’est nul besoin d’argumenter plus pour prouver l’urgent besoin de fanions à rotule.

PROTECTIONS DU CAVALIER ET DU CHEVAL

Partant du postulat que dans toute activité humaine le risque zéro n’existe pas et puisque malgré toutes les méthodes et moyens mis en œuvre, l’accident sera toujours possible, il faut développer au maximum les protections du cavalier et celles du cheval.
Lors des deux derniers accidents mortels, on a pu se rendre compte de l’inutilité des protections obligatoires en cas de panache, aucune des deux cavalières n’ayant été suffisamment protégée. Effectivement, si les protections dorsales sont réglementairement obligatoires, elles ne sont pour l’instant pas définie et n’ont pas de norme inscrite au règlement contrairement aux protections céphaliques qui doivent répondre à une norme bien précise la NF EN 1384.
De plus l’ensemble des protections dorsales disponibles sur le marché, sont prévues pour absorber l’énergie d’un choc direct afin de réduire le risque de fracture, mais pratiquement aucune n’est prévue pour parer au risque d’écrasement en cas de panache. Seul un modèle (marque anglaise woof wear), propose un système innovant baptisé exoskeleton® (www.woofwear.com/public/exoskeleton.html), garantissant un minimum de préservation d’espace vital pour la cage thoracique en cas d’écrasement du cavalier par le cheval. Les protections cervicales sont par contre absentes de toutes les protections dorsales, représentant un point particulièrement faible de l’ensemble du système de protection du cavalier.
L’investissement dans un gilet de protection dorsale anti-écrasement représentant pour l’instant une somme particulièrement conséquente pour les cavaliers amateurs (environ 450 € pour le woof wear exoskeleton® contre 180 € en moyenne pour les autres), il faudrait commencer par inciter les cavaliers à s’équiper avant de les rendre obligatoire d’ici quelques années. Le but n’étant certainement pas de donner un monopole à la marque woof wear, il faudrait impliquer tout les industriels concernés afin de développer à grande échelle ces gilets antiécrasement. Une certaine baisse des prix devrait alors être obtenue par la mise en concurrence de plusieurs produits de qualité similaire. Au même titre que la griffe F.F.E. sur les nouvelles tenues de concours, un label F.F.E. pourrait alors être donné aux matériels passant avec succès des tests de préservation et de résistance minimum, à l’image d’un crash test automobile. A moins qu’une norme concernant les protections dorsales et intégrant les dernières innovations voit le jour d’ici là.
Quant aux protections cervicales, si les produits présents sur le marché sont réellement efficaces, il faut alors rapidement les rendre obligatoires, leur prix étant plus qu’abordable (19 € pour un modèle trouvé sur www.concours-complet.com).

CONCLUSION

Beaucoup de pistes sont à étudier, mais afin de ne pas se disperser inutilement, il faut s’axer en priorité sur ce qui aurait réellement permis d’éviter les tragédies de ce début de saison. L’évolution des mentalités et de la réglementation est indispensable, l’adaptation des secours et de la construction des cross également, mais il faut bien admettre qu’en dernier recours seule une (r)évolution des matériels de protection aurait été à même de donner une chance à nos cavalières de survivre. Notre système de protection (casque et gilet simple) et nos mentalités (si je suis un bon cavalier je n’ai pas besoin de bombe) datent de plus de 20 ans, il est temps de passer à autre chose.
A une toute autre échelle et à treize ans d’écart, Ayrton Senna se tuait à 210 km/h dans sa formule 1 contre un muret de béton, alors que la semaine dernière Robert Kubica percutait à 250 km/h un même mur de béton et s’en sortait avec une entorse de la cheville. Entre ces deux accidents, la formule 1 a simplement vécu sa révolution en matière de sécurité et de protection des pilotes.

A toutes fins utiles la fédération pourra se rapprocher des organismes suivants afin de bénéficier de leur expertise et de leur longue tradition de maîtrise du risque :

- CNPP Centre National de Protection et de Prévention, Vernon, Eure
- Service de Santé et de Secours Médical, Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris, Porte de Champerret, Paris 17°
- SAMU de Paris, Hôpital Necker, Paris 5°
- Croix Rouge Française, 98 rue Didot, Paris 14°
- Observatoire Nationale du Secourisme, Direction de la Défense et de la Sécurité Civile, Asnières sur Seine, Hauts de Seine



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